Qu'est-ce que l'Initiation ? Pourquoi et dans quels buts la recherchons-nous ? Comment
devient-on un Initié ? Devenir un « initié » (l'est-on vraiment un jour ?), est-ce là le but ultime
de notre recherche ?
L'INITIATION
Quelle influence mystérieuse et supra-humaine pousse donc l'être humain à frapper à la
porte du Temple? Comment et pour quelle impérieuse raison «l'Homme du Torrent » devientil « l'Homme de Désir » ?
Etymologiquement, l'initiation est « l'action d'initier aux mystères », mais peut aussi être
considérée comme premières introductions à certaines choses, ou secrètes, ou élevées ». Nous
pouvons d'ores et déjà constater que deux notions apparaissent dans le terme d' « initiation » :
la notion de « début », et la notion de « processus ». Autement dit, l'initiation est le début
d'une progression de l'être humain, devant le mener de son état actuel « d'homme du Torrent »
à un état « supra-humain ».
Or, l'on ne peut efficacement progresser que sur une route, une voie, un chemin. De fait,
l'Initié est véritablement « l'homme du chemin » comme 1’évoquent d'ailleurs les antiques
labyrinthes des cathédrales gothiques et les pélerinages du Moyen-Age dont Compostelle est
l'archétype.
Cette idée de cheminement spirituel est commune à nombre de traditions : par exemple, la
Kabbale nous indique clairement les « sentiers » à suiwe sur le schéma de 1»Arbre de Vie »
pour progresser de « Malkuth » à « Kether », c'est à dire, du Monde physique au Monde
divin.
A ce point de notre réflexion, nous pouvons dire que l'on peut considérer une voie comme
l'union d'une méthode et d'une sagesse.
L'APPEL VERS L'INITIATION
Si nous avons tenté de définir ce qu'est l'initiation, nous pouvons maintenant nous
demander ce qui pousse l'individu à s'engager sur le chemin de cette initiation.
La recherche de l'Absolu, par un moyen ou un autre, suppose que l'on possède déjà en soi
le désir de Dieu. Ce désir existe en germe dans le coeur de tout homme, mais tout homme
prête-t-il attention à cette graine si petite et si difficilement perceptible ? Il faut être prêt à
faire pousser cette petite plante, prêt à l'entourer de soins constants pour la faire croître et
grandir sous l'oeil bienveillant du Père. En effet, cette petite graine ne peut germer que dans
un humus fertile et propice à sa croissance. Le coeur de l'Homme est cet humus dont la
fertilité ne peut qu'être entretenue par l'humilité résultant des sois constants représentés par la
méditation et la prière.
La germination ne peut pourtant se produire qu'avec le concours de la chaleur bienfaisante
du Soleil de l'Esprit, autrement dit de la Grâce divine se manifestant à l'Etre humain par un
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appel mystérieux que seul le coeur peut entendre. Cette grâce, cette étincelle se produira
lorsque l'Homme aura subi ce que certaines Traditions nomment « l'Initiation du Nadîr », que
nous allons étudier, avant d'aller plus loin.
L'INITIATION DU NADIR
A l'origine, la Chute : certaines « particules » spirituelles se séparent librement de 1"Unité
originelle de l'Esprit pur, pour se densifier peu à peu jusqu'à devenir Matière :
« peccatum Adae est truncatio Malkuth ab arbore sephirotica ». La faute d'Adam, c' est
d'avoir détaché MALKUTH de l'arbre séphirotique. En faisant cette expérience, elle ne
peuvent descendre plus bas dans la densification et aspirent à remonter vers l'Unité : c'est
« l'Initiation du Nadîr ».
Quelques mots de Teilhard de Chardin, extraits de son « Hymne de l'Univers », nous
reviennent ici à l'esprit : « Baigne-toi dans la Matière, fils de l'Homme. Plonge-toi en elle, là
où elle est la plus violente et la plus profonde ! Lutte dans son courant et bois son flot ! C'est
elle qui a bercé jadis ton inconscience ! - c'est elle qui te portera jusqu'à Dieu ! » Et cet
hymne résonne comme un écho à la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin : « La matière
avait été donnée à l'homme , comme un lieu de repos au milieu de ses grandes fatigues.
C’était l'ombre d'un grand arbre, sous lequel le moissonneur pouvait venir dormir quelques
heures pendant la forte chaleur du jour ».
Sous une apparente contradiction, la même idée apparaît : la Matière est le point d'appui du
Chercheur de Dieu, le passage du Travail au Repos (autrement dit, la re-création), la ligne de
départ vers le ciel. Les Alchimistes, eux-aussi, nous le disent d'une manière
bien...hermétique : « Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem ».
Cette formule, VITRIOL, de nous connue dès la toute première épreuve de l'initiation,
nous entraîne bien au-delà des premières révélations. Ce n'est pas seulement un appel à la
descente jusqu'au noyau de l'être afin de le reconstituer sur des bases nouvelles.
La « Chaîne d'Or » d'Homère va en effet plus loin en nous montrant un schéma synthétique
de progression de la Materia Prima à l'Or le plus pur. Bien sûr, ces symbolismes se rejoignent
et s'expliquent les uns les autres, en s'interpénétrant. Il faut descendre jusqu'à la Matière la
plus dense pour se re-créer, se reconstiuire par étape afin d'atteindre la présence immanente et
transformante de Dieu : c'est 1’Initiation du Nadîr.
LE LIBRE-ARBITRE
Mais, le processus décrit dans le précédent chapitre n'est pas inéluctable : Dieu, dans son
amour, a laissé l'Homme fibre de répondre à l'appel d'en-Haut : c'est le libre-arbitre. La
réintégration ne pourra en effet s'entreprendre que si l'Homme confond sa volonté propre avec
la volonté divine.
Mais comment peut-on appréhender le libre-arbitre ? pour quelle raison le Créateur a-t-il
fait ce cadeau à sa Créature ? Omniscient, il ne pouvait ignorer l'usage fatal que l'Homme
allait faire de ce don si précieux !
Les plus récents travaux en matière d'intelligence artificielle nous donnent des éléments de
réponse. En effet, il est aujourd'hui scientifiquement démontré que l'apparition et le
développement de l'intelligence ne peuvent se concevoir sans liberté. L'expérience
personnelle est l'outil de cette liberté, et contribue ainsi à l'évolution de 1" être intelligent. En
fait, un individu évoluant dans un cadre rigide ne semble pas pouvoir évoluer
intellectuellement. Immanent vis à vis de Lui-même, transcendant par rapport à la Création,
Dieu est fibre, ne répondant qu’à Lui-même. Créé « à l'image de Dieu », intelligence suprême,
la liberté était nécessaire à l'Homme pour qu'il pût évoluer, et rejoindre ainsi l'Unité divine, au
terme de son cycle d'involution / évolution.
Outil d'évolution, la liberté fait prendre conscience à l'Etre Humain de sa responsabilité
envers lui-même, envers ses semblables, envers la Création et envers son Créateur. Par la
liberté, l'Homme apprend à « devenir ce qu'il est », c'est à dire à passer du domaine de l'avoir
à celui de l'être, autrement dit il apprend à se spiritualiser petit à petit. Cette condition
rédhibitoire d'accès aux Mystères est d'ailleurs imposée aux postulants, dans certaines
sociétés initiatiques : il leur est en effet demandé, avant de procéder à leur initiation, s'ils sont
« libres et de bonnes moeurs ». Cette liberté se met en oeuvre par le « discernement », «
disposition de l'esprit à juger clairement et sainement des choses ».
LES VOIES ANALYTIQUES DE L'INITIATION
LA VOIE MENTALE ET LA VOIE CARDIAQUE
Nous en arrivons maintenant à réfléchir sur les moyens mis à la disposition de « l'Homme
de Désir » pour s'élever petit à petit de la Matière à l'Esprit.
La Tradition enseigne que deux itinéraires principaux sont mis à notre disposition pour
atteindre l'Absolu : la Foi et la Raison, exprimé sur l'Arbre séphirotique par les Voies de la
Clémence et la Rigueur désignées par Saint Paul comme Foi et Loi.
Tenzin Gyatso, XIVème Dalai-Lama, nous le confirme : « il existe deux possibilités
d'approche du bouddhisme : la foi et la raison ». Et comment mieux définir la foi qu'en
reprenant la formule de Saint Thomas d'Aquin : « la Foi est le Courage de l'Esprit, qui
s'élance résolument devant lui, certain de trouver la Vérité ». D'autres ont repris ces notions
en les modernisant. Eliphas Lévi nous parle de « Science » et de « Religion », Saint Yves
d'Alveydre évoque, à partir du schisme d'lrschou, les initiations Ionienne et Dorienne.
Enfin, les Arcanes II et III, IV et V du tarot (la Papesse et l'Impératrice, l'Empereur et le
Pape) s'offrent à notre méditation, précédant de manière limpide l'Arcane VI, l'Amoureux,
hésitant devant deux Voies à lui offertes.
LA VOIE EXPERIMENTALE
Si deux Voies sont offertes comme itinéraires à notre recherche spirituelle, une troisième
peut cependant nous intéresser : en tant qu'êtres incarnés, nous évoluons en effet dans la
sphère de MALKUTH, le Monde des Faits, et nous avons besoin de « preuves » tangibles,
d'expériences personnelles. Mais cette Voie ne peut que « développer des graines déjà semées
dans l'intelligence et non pas en créer ». Comme nous avons besoin de la Matière comme
tremplin vers la Divinité, nous avons besoin de l'expérience pour essayer de lever nos doutes
envers tel ou tel phénomène dit « surnaturel ». Mais pourtant, nous avons besoin de douter,
car « le doute incite à la recherche, et la recherche est la voie qui conduit à la connaissance ».
LES DANGERS DES VOIES ANALYTIQUES
Cependant, la Voie expérimentale ne peut nous mener directement à l'Absolu, comme
semblent pouvoir le faire les Voies de Rigueur et de Clémence. Son appartenance à
MALKUTH doit attirer notre attention sur le danger de cette Voie : le Prince de ce Monde,
NAHASH, veille et peut, par l'orgueil, nous entraîner à nous croire les égaux de Dieu.
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De fait, même les Voies de la Foi et de la Raison comportent leurs dangers. Le danger de
la Voie Mentale est l'accès aux savoirs relatifs et non à la Connaissance absolue : l'adepte de
la Voie Rationnelle risque de sombrer dans l'orgueil prométhéen de croire qu'il sait quelque
chose. Ce serait alors la manifestation de l'incompréhension du cerveau pour les lois de la
Parole Vivante et, à terme, le dessèchement du coeur par manque de charité. Par ailleurs, au
Jour du Grand Jugement, il serait impossible d'arguer de son ignorance : « Plus et mieux vous
savez, plus vous serez sévèrement jugé, si vous n'en vivez pas plus saintement ».
Ne nous réfugions pas, non plus, sans discernement dans la Voie Mystique : là aussi, les
dangers existent de manière bien réelle bien que plus subtile. En tant qu'êtres incarnés, nous
évoluons dans le Plan Physique, et nous avons le devoir ne négliger aucune des obligations
qui découlent de cette situation. « L'Imitation de Jésus-Christ » nous prévient : « Le boire, le
manger, le vêtement et les autres choses nécessaires pour soutenir le corps sont à charge
d'une âme fervente. (...) Les rejeter tous, cela n'est pas permis, parce qu'il faut soutenir la
nature ».
LA VOIE UNITIVE, OU VOIE DE SYNTHESE
De fait, nous constatons que l'Unité Divine ne peut être atteinte que dans l'Equilibre et
l'Harn1onie, innés chez certains êtres d'exception. La Tradition nous les présente sous
différentes formes : la « Voie Droite » du Coran, la Voie du Milieu de l'Arbre de Vie
kabbalistique, la Voie directissime des Alchimistes. Pour nous, elle se nomme « Voie
unitive » ou « Voie de synthèse » et nous y retrouvons le souci de purifier avec méthode
l'ensemble des Corps dans chacun des Plans du Monde, afin de parvenir à la Réintégration,
but ultime de notre queste.
Mais, pratiquement, qu'est-ce que cette Voie du Milieu ? Saint Paul nous donne la réponse
en nous disant que ce Chemin d'Equilibre et d'Harmonie est l'Amour de Dieu exprimé par la
Charité. Et, avec le Converti de Damas, nous apprenons que la Charité est en fait l'Amour en
action. L'Amour charitable, cette Voie de synthèse, ramène le Binaire à l'Unité en réconciliant
la Science et la Religion. Cet Amour en action est le Verbe incarné, le Christ au centre de la
croix, Fils de Dieu, intermédiaire sacré entre l'Humain et le Divin.
Deux mots peuvent résumer la mise en oeuvre de ce chemin qui ne se révèle véritablement
mystique que dans la synthèse et le retour à l'unité : assistance et service dans les Trois Plans.
Mais ce Service des autres, ce Service de l'Autre est en définitive le Service de soi : n'est-il
pas écrit « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ? Mais ne nous méprenons pas : il ne
s'agit pas d'aimer le « moi » égoïste, mais bien le « Soi » universel, altruiste, ouvert vers
l'Autre, et par là, vers Dieu.
L'HUMILITE, CHEMIN D'INITIATION
S'effacer devant l'autre, s'oublier en Dieu afin de s'unir avec Lui s'obtient par l'humilité
fertilisant le coeur de l'Homme. Mais comment être humble ? L'humilité ne s'entend pas avec
la volonté car vouloir être humble, c'est déjà de l'orgueil. L'humilité sincère, don de Dieu, est
en fait le principe même du discernement : il faut confondre sa volonté propre avec la Volonté
de Dieu. Cela s'obtient par l'obéissance « Perinde Ac Cadaver » à la volonté divine :
« Tout mon désir est devant Toi ».
C'est en reconnaissant sincèrement la transcendance du Créateur par rapport à sa créature
que nous échapperons à NAHASH : Dieu, pur esprit, est parfait (il faudrait même écrire «
Dieu est » et « Dieu n'est pas » car cette définition, pour lapidaire qu'elle soit, est déjà une
limitation de la Divinité) ! nous sommes imparfaits, car englués dans la Matière. Mais, par le
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libre-arbitre, don de l'Amour de Dieu pour l'Homme, ce dernier est bien sûr libre de se
soumettre ou non à la volonté divine.
CONCLUSION
L'attirance pour l'Initiation véhiculée par la Tradition, transmise par les sociétés comme la
Franc-Maçonnerie, m’apparâit comme un indice certain de franchissement de l'Initiation du
Nadîr, étape préliminaire à toute remontée vers l'Unité divine.
L'âme, éprouvée par la Matière, aspire maintenant à remonter vers le Père. Cette
progression ne se fait pas sans périls, car NAHASH veille.
L'âme doit donc choisir librement une voie analytique pour laquelle elle se sent en affinité,
sans toutefois négliger les autres voies afin que ce cheminement se fasse dans l'équilibre et
l'harmonie résultant de la purification des trois corps.
Cet équilibre et cette harmonie ne pourront s'établir que par la synthèse de la Voie unitive
qui est, en fait, la véritable Voie mystique. La réintégration pourra alors avoir lieu lorsque
l'Homme aura confondu sa volonté propre avec celle de Dieu.
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